Comment on conduit les fusées
Pour que mon plan aboutisse, il me fallait prendre quelques petites précautions. Comme par exemple, m’assurer que sa question est importante pour lui. Car, son attention pour ma réponse, sera fonction de la quantité d’intérêt qu’il a pour la question qu’il vient de poser. Alors, je fais semblant d’être absorbé par autre chose, et lui demande avec nonchalance:
-Comment ? De quoi?
Il répète alors en articulant :
– Comment on conduit les fusées ?
Il levait les yeux. Je baissai les miens. Et pendant cette éternité où nos regards se touchaient, j’aurais voulu être encore plus près de lui. De l’autre côté de ce qui nous séparait: une table basse Ikea. Ridiculus et trêve de sentimentalisme! Ce qui m’importait c’était conquérir le chaland. Et il venait de confirmer tout son intérêt, pour le sujet de départ. Je pouvais dérouler ma stratégie de communication narrative. Et ce plan mes amis! ce plan, n’a qu’un seul et unique but: ramener Minimoy dans mon univers pour qu’il aime ce que j’aime. Il n’y échappera pas. Personne n’en réchappe. Personne!
Mais le travail n’était pas achevé. Ce n’est pas tout d’avoir l’attention d’un auditoire, encore faut-il la maintenir.
Moi: [Silence de 3secondes]
Comme il est intéressé par le sujet, je sais qu’il m’écoutera avec attention. Son intérêt ainsi confirmé, je pouvais dérouler mon plan stratégique en lui tendant une première perche. Je lui répond alors
Moi: Et bien, un peu comme on conduit les avions.
Comment on conduit les avions
Je le regarde mâchouiller lentement le morceau de Golden qu’il a dans sa joue. Il n’a aucune peine à s’engouffrer dans mon funnel de conversion. Comme ma première perche a appelé comme prévu, une nouvelle question, il demande alors amusé:
-Et comment on conduit les avions alors ?
Ce à quoi je répond non sans délectation:
– Hmm…Un peu comme on conduit les voitures.
Là, la machine s’emballe. Très concrètement, ma stratégie de communication narrative fonctionnait. Son air devint béat puis son œil plissa. Je l’intéressais vraiment. Un bref instant, j’ai même imaginé Séguéla me faire un clin d’œil à moi devenu le temps d’un repas, le maître de la communication stratégique et narrative. Lui l’élu au bras alourdi d’une Rolex et complètement soufflé par ma technique, le naturel avec lequel moi, pauvre gentil, je déroulais ce fil rouge vermeil. Je devrais dire ce fil rouge merveille. Bref je m’égarais, je m’emballais. Mais revenons à ma stratégie de communication narrative.